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2 janvier 2012 1 02 /01 /janvier /2012 13:20

XX
Rabougnal et sa Reine

Il tombait une forte pluie ce matin là et le bruit des gouttes d’eau s’écrasant sur la vitre était devenu le fond sonore de la pièce. Dehors, le petit jardin de la Reine de Rabougnal était à peine perceptible, seules les couleurs des fleurs qui commençaient à éclore en ce début de printemps étaient encore visibles sous la forme de tâches colorées.
La Reine Falina Ysideus de Rabougnal était assise à son bureau où elle passait beaucoup trop de temps à son goût, mais c’était le lot des dirigeants, lire et signer des contrats, des rapports et autres. Pour autant, elle ne se plaignait pas ouvertement car Falina n’aimait pas qu’une décision soit prise sans qu’elle en soit informée. Ce fut ce qui dérouta les Sénatrices qui avaient élue Reine une jeune femme à peine sortie de l’adolescence.
Elle voulait être celle qui obtiendrait l’indépendance de son Royaume. Ses conseillères lui avaient indiqué que le plus simple aurait été de se ranger du côté de Drastan dans la lutte à la succession de Mogueras. Falina le savait aussi mais c’était sans compter son aversion pour le Seigneur Moriannor qui connaissait son projet d’indépendance et qui avait tenté de lui offrir son soutien si elle devenait l’épousait. Il y avait eu des Reines qui s’étaient ainsi mariées avec des hommes puissants, l’une d’elle fut même Impératrice, pour améliorer la condition du Royaume. Falina ne faisait pas partie de ces femmes là. De plus, le Seigneur de Drastan était connu pour avoir de nombreuses maîtresses et enfants naturels.
Elle ne voulait pas un mariage d’intérêt, qui dépende entièrement de la politique. Depuis son adolescence, Falina avait eu beaucoup de soupirants du fait de sa beauté et de son charme exceptionnels. Sa chevelure blonde à reflets roux et son grand regard d’azur faisaient tourner la tête de nombreux hommes. Son physique avantageux était aussi peu être une des raisons pour  lesquelles les Sénatrices l’avaient choisie car, trop souvent, ce genre de femme se repose sur leur apparence plutôt que de développer leur esprit. Habilement, Falina en avait fait une arme dont elle se servait à la perfection. Inconsciemment, perdre cette attention que lui offraient les hommes par le port d’une bague au doigt serait un grand sacrifice qu’elle ne s’imaginait pas faire pour le moment.
Complètement absorbée par ses pensées, la Reine ne pris conscience de la présence de sa vieille secrétaire et conseillère, Judith, que lorsque celle-ci se racla bruyamment la gorge. Falina sursauta et posa un regard interrogateur sur la femme aux cheveux blancs et au visage ridé qui se tenait très droite malgré son âge avancé.
«  Votre majesté, le Prince-Héritier de Callaven, Belenor des Acciprides ainsi que la Voyageuse Jeanne Aneim attendent l’audience que vous leur avez concédée.
-    Faites les rentrer ici, demanda la Reine.
-    Vous n’allez pas les accueillir dans la salle du trône ? fit la conseillère visiblement surprise.
-    Lorsque je considère mes invités comme des égaux, pourquoi me mettrai-je sur un piédestal ?
-    Vous avez raison ma Reine, comme souvent. » se soumit l’ancienne en se retirant.
Judith était une conseillère qui lui avait été imposée par le Sénat. Falina lui préférait de loin son amie Ællena qui lui offrait des conseils plus avisés et surtout, elle n’était pas là pour l’espionner. Néanmoins, peu à peu, Judith semblait s’attacher à sa Reine et ses rapports au Sénats n’étaient plus aussi précis qu’au début du règne de la jeune femme.
Ses deux invités entrèrent peu de temps après le départ de la vieille conseillère et la pluie semblait perdre de son intensité, ce qui rendait le bruit plus supportable.
Jeanne Aneim n’avait pas changé depuis la dernière fois que la Reine l’avait vue, une femme charmante sur laquelle le temps ne semblait, pour le moment, pas trouver de prise. Elle portait une robe d’un vert sombre qui soulignait ses belles courbes.
Lorsque Falina posa les yeux sur le Prince, elle eu du mal à contenir un sursaut de rage. Au premier coup d’œil, elle avait cru que cet homme était le Seigneur Moriannor. La rumeur était donc vraie, le Prince Belenor et le Seigneur Moriannor se ressemblaient bel et bien. En s’attardant un peu, il était aisé de trouvé des différences : le Prince semblait plus grand et surtout il était indéniablement plus jeune. Ensuite venaient les yeux, dans son souvenir, Falina voyait clairement les yeux bleus clairs de Moriannor, Belenor en revanche les avait verts émeraude.
Reprenant le contrôle d’elle-même et se composant une expression neutre, Falina se leva pour les accueillir. Tandis que Jeanne fit une courte révérence, Belenor déposa le léger baiser traditionnel sur la main qu’elle lui tendait.
«  Bienvenue à Rabougnal, dit chaleureusement Falina.
-    Merci à vous de nous recevoir, répondit Jeanne sur le même ton.
-    Je vous en prie, prenez place. Cela fait bien longtemps que je ne vous ai vue, malgré notre contact épistolaire fréquent, ma chère Jeanne.
-    A mon grand regret, assura la Voyageuse, mais mes obligations envers l’Académie des mages ne m’ont permis de vous visiter plus souvent. Là encore je ne puis vous voir que quelques minutes à peine. Néanmoins, je suis heureuse de voir que Rabougnal se porte mieux sous votre règne que sous celui de ma mère.
-    Elle est et restera un modèle pour moi, l’égaler dans sa gestion méticuleuse du Royaume serait pour moi une grande consécration.
-    Sincèrement, je suis sure que ce sera à vous que les futures Reines se compareront.
-    Vous me flattez, mon amie.
-    J’ose croire que non, sourit Jeanne.
-    Et vous, Prince Belenor, votre voyage dans le Nord a-t-il été fructueux? demanda la Reine.
-    Vous devez déjà savoir, votre Majesté, que le Congrès de l’Union ne s’est pas engagé aux côtés de l’Empire. Le Nord préfère rester neutre dans cette affaire. Nous avons au moins obtenu qu’ils ne se rangent pas non plus du côté de Drastan, répondit le Prince avec un regard triste.
-    Il est étonnant de voir que la conclusion de ce voyage vous rend si malheureux, remarqua Falina.
-    Veuillez m’excusez, Votre Majesté, je pensais  à ce que j’ai laissé là-bas, à Halden. Ce sont mes affaires privées et elles ne devraient pas influencer notre entrevue.
-    Vous savez, Prince Belenor, bien souvent, la politique se mêle de tout, même de la vie privée de ceux qui la font.
-    Excusez-moi, Falina, je dois me retirer, annonça Jeanne. J’aurai beaucoup souhaité continuer cette discussion avec vous deux mais mon devoir m’appelle. Mon mari, l’Archimage Kerneli, a besoin de moi pour tester les Guérisseuses, voir si l’une d’elle a un Don. Son intérêt pour la Guérison par le Don est renouvelé depuis qu’il a rencontré une jeune femme qui le pratiquait, mais le Prince Belenor en parlera sûrement mieux que moi.
-    Vous me voyez très attristée que vous preniez congé si vite. J’aurai grand plaisir à vous revoir, Jeanne. Présentez mes respects à l’Archimage Kerneli, votre époux. »
Sur ces mots de conclusion, Jeanne s’inclina respectueusement devant la Reine et laissa alors cette dernière seule avec le Prince qui semblait plongé profondément dans ses pensées et observait l’extérieur d’un regard vide.
La Reine remarqua alors que la pluie avait cessé. Comme toujours après une telle averse, les couleurs des fleurs ressortaient encore plus qu’à la normale ce qui rajoutait beaucoup à la beauté de son jardin personnel.
«  Peut-être voudriez-vous sortir un peu ? proposa Falina. J’aime me promener après une averse.
-    A votre aise, assura Belenor en se levant, j’avoue qu’un peu d’air frais me fera du bien.
Ils sortirent par la porte-fenêtre située derrière le bureau de la Reine. Lorsque la beauté du jardin s’offrit à ses yeux, Belenor en eut presque le souffle coupé.
«  Est-ce vous qui vous occupez de faire de cet endroit un bout de Paradis ?
-    Oui, lorsque j’en ai le temps. Ce qui est assez rare ces derniers mois. Avec cette succession.
-    Certes, je n’étais pas non plus censé jouer le rôle de diplomate et de commandant au cours de cette année. Si nous sommes venus à Sipar avec mes compagnons, c’était dans le but d’étudier pour pouvoir succéder à nos pères. Ou à mon oncle, le Roi Ingald, dans mon cas.
-    C’est pour cela que vous renvoyez vos hommes à Callaven.
-    Oui, les menaces directes à l’intérieur de l’Empire sont écartées. Mis à part les Blancs qui continuent à sévir. Cependant nous devons informer mon Royaume et le préparer à aider le Surintendant. Quant à moi, je vais devoir suivre une formation à l’Académie. Mon Don s’est éveillé.
-    Et quel est-il ?
-    Je n’en suis pas sûr, le fait est que j’ai acquis les Dons des mages que j’ai rencontrés.
-    Montrez-moi » fit Falina, curieuse.
Le Prince eut alors l’air de se concentrer intensément, ce qui accentua sa ressemblance avec Moriannor. Rien ne se passait, puis, le Prince regarda dans le ciel où une sorte d’oiseau y décrivait des cercles concentriques en se rapprochant de plus en plus d’eux. La forme grossit de plus en plus jusqu’à ce que Falina puisse enfin l’identifier. Un Dakhart ! Et il fonçait droit sur eux en plus ! Prise d’une soudaine panique, la Reine voulut s’enfuir.
« Ne bougez pas, ordonna Belenor d’une voix profonde, vous allez tout rater. »
Le monstre s’approchait de plus en plus et le Prince restait immobile et parfaitement concentré. Le Dakhart rugit alors et tout s’accéléra. Il se dirigeait droit sur Falina qui faisait de gros efforts pour rester à moitié aussi statique que le Belenor. Lorsque le Dakhart fut tout proche, il ouvrit la gueule, prêt à engloutir la pauvre jeune femme qui n’avait aucun moyen de défense contre de tels monstres. Lorsqu’elle vit ses crocs blancs acérés et sentit son haleine fétide, elle ferma les yeux alors qu’il refermait sa mâchoire sur elle.
Rien ne se passa pendant plusieurs secondes, Falina risqua d’ouvrir un œil. Le Dakhart avait disparut, en face d’elle, le Prince affichait un grand sourire de satisfaction.
"L’illusion“ pensa-t-elle alors.
«  Voilà ce que j’ai acquis en combattant Tar’Ammon, déclara Belenor. L’illusion.
-    J’avais compris, fit Falina presque furieuse, vous auriez pu éviter de m’effrayer !
-    Que vous y ayez cru montre que l’illusion était réaliste, cela faisait longtemps que je n’avais pas utilisé cette capacité.
-    Que savez-vous d’autre ?
-    Je sais également ralentir le temps autour de moi et manipuler l’air comme l’Archimage Kerneli. Veuillez m’excuser de ne pas vous montrer ces pouvoirs mais les utiliser m’exténuerai.
-    Après ce que je viens de voir, je suis enclin à vous croire sur parole. Vous allez révolutionner l’Académie avec vos pouvoirs ! D’autant plus que vous êtes plus vieux que les apprentis normaux.
-    J’espère seulement que ma formation ne durera pas trop longtemps, la succession n’est pas finie et je pense qu’il y aura encore beaucoup de rebondissements avant la fin.
-    Je crains que vous ayez raison, le Seigneur Moriannor se vengera de son revers à Karrog. Assez parlé de politique, parlez-moi de cette femme que vous avez laissé dans le Nord.
-    Il est encore douloureux pour moi d’en parler. C’est à contrecœur qu’elle est restée à Halden mais il ne pouvait en être autrement.
-    Qu’avait-elle qui vous empêchait de la fréquenter ?
-    Cela doit, pour elle comme pour moi, rester un secret.
-    Vous êtes bien mystérieux… Je n’insisterai pas, chacun à ses secrets. Cependant, ne soyez pas si triste, vous aurez l’occasion de rencontrer d’autres femmes qu’elle.
-    Merci, Reine Falina, votre compréhension des relations humaines est aussi grande que votre beauté.
-    Ne me flattez pas à ce point, Prince Belenor et appelez-moi par mon prénom.
-    A la seule condition que vous en fassiez de même pour moi.
-    Vous savez vous servir de votre langue Belenor, cela vous sera très utile, croyez moi.
-    Je vous remercie, Falina.
-    Dites-moi, avez-vous déjà rencontré le Seigneur Moriannor ?
-    Non, les relations diplomatiques entre Drastan et Callaven sont inexistantes depuis la prise de Dollovan par Moriannor. Pourquoi cette question ?
-    Simple curiosité, votre ressemblance avec lui est des plus troublantes. Mis à part les yeux.
-    Je le sais. Pourtant, à ma connaissance, nous n’avons pas de parents communs.
-    Je n’ai jamais eu vent d’une quelconque relation entre vos deux familles. C’est étrange tout de même.
-    J’en conviens. »
Alors qu’ils étaient en train de discuter ainsi, tranquillement sur un banc du petit jardin, Ællena fit son entrée car l’entrevue entre le Prince et la Reine avait duré plus longtemps que prévu et cette dernière ne pouvait pas lui consacrer plus de temps. Elle s’excusa alors auprès du Prince qui fut reconduit par la conseillère vers la sortie.
Ce fut à reculons que Falina se rassit à son bureau, devant toutes les tâches qui lui restaient à accomplir avant la fin de la journée. Lorsqu’Ællena revint pour l’aider dans sa gestion du Royaume, la Reine ne put s’empêcher de déclarer :
«  Il est bien dommage qu’il ressemble tant à Moriannor, j’aurai grandement apprécié qu’il me fasse la cour dans le cas contraire. Il est rare de rencontrer un homme aussi intéressant. »
Ællena sourit à cette remarque, pensant à l’appétit que son amie et Reine avait pour les hommes. Elle mesurait de plus en plus la chance qu’elle avait eu de rencontrer Tibérion. Ils s’entendaient si bien.

*
* *

Depuis des générations, les Seigneurs de Drastan s’étaient assis sur le magnifique trône sur lequel Moriannor se tenait en ce moment. Seul le Trône de l’Empereur à Sipar le surpassait, mais cela n’avait plus d’importance car, bientôt, la succession se terminerait par sa victoire éclatante et la défaite sans appel du Lion d’Or.
Cela faisait des années que Moriannor préparait son plan, fait de petites étapes a priori insignifiantes mais qui, à terme, imposerait sa supériorité. La prise éclair de Sipar n’était que la plus visible d’entre elles et la meilleure façon de montrer ses ambitions.
La victoire était plus proche que jamais, l’Empire était à feu et à sang, malgré le mystérieux Cavalier Noir, tout se déroulait parfaitement bien. Ce parasite avait, en fait, une utilité, celle renforcer la haine qui existait entre les deux camps. Les actions se radicalisaient laissant à Drastan plus de marge de manœuvre.
Récemment, l’Union avait refusé de s’engager dans le conflit. Le représentant de l’Empire, le Prince Belenor de Callaven, avait très bien négocié car avant sa venue, beaucoup de Comtes Electeurs se seraient laissés convaincre par Grimm d’Hansballet d’intervenir en faveur de Drastan. Ce Prince serait sûrement présent lors du Grand Conseil et sera éliminé tout comme le Surintendant.
Quant au Roi Ingald de Callaven, la dernière partie du plan allait bientôt être mise à exécution avec pour but son élimination.
Même si Drastan avait moins d’alliés qu’initialement prévu, son armée seule pouvait contrôler tout opposant. C’était sans compter les mercenaires orques qui restaient encore sous ses ordres.
Ce fut cette pensée qui le ramena brusquement au moment présent. En effet, le chef des orques, Uznarc, était censé le rencontrer sous peu. Comme à son habitude – qui semblait être celle de tous les mercenaires orques – il était en retard.
De longues minutes passèrent encore, pendant lesquelles le Seigneur de Drastan rongeait nerveusement son frein, avant que le héraut entre enfin dans la salle du trône et annonça :
«  Uznarc, chef des orques, se présente devant Moriannor de Drastan. »
L’homme en livrée d’or et blanche était suivi par un orque de plus de deux mètres de haut à la musculature impressionnante, vêtu de fourrures et de précieux bracelets et colliers qui soulignaient son rang parmi les siens. Sa peau était d’un vert pâle et il portait un longue natte noire qui lui descendait jusqu’au creux des reins. Chez les orques, comme chez de nombreux peuples nomades, la longueur de la chevelure était synonyme de puissance. Dans certains livres il était dit que des cultures humaines avaient ce mode de différenciation sociale similaire, encore aujourd’hui.
Trop fier pour s'incliner devant un humain, le chef orque ne fit pas de révérence mais il eu quand même la décence de reconnaître la supériorité de Moriannor en s'adressant à lui en premier :
«  Seigneur Moriannor, c’est victorieux que je me présente aujourd’hui devant vous. »
Contrairement à la plupart de ses congénères, Uznarc parlait sans l’accent guttural si caractéristique de son peuple. Son parler fluide reflétait en réalité son origine de demi-orque, ce qui expliquait aussi sa couleur de peau. Né du croisement entre un orque et une humaine – probablement un viol – il avait été rejeté par les humains et ne doit sa place dominante parmi les orques qu’à ses actions. Il avait vaincu successivement chacun de ses rivaux en combat singulier et avait ainsi peu à peu gravi les échelons jusqu’au titre de chef du clan. De cela, Uznarc avait acquis une grande fierté et un dégout profond du genre humain.
«  Enfin, vous daignez vous présenter devant votre commanditaire, répliqua Moriannor.
-    Nous fêtions notre victoire et pleurions nos morts, maudits, que nous n’avons pu enterrer, que ce soit à Sipar ou pendant le voyage de retour où nous furent harcelés par les troupes de Dunnastell de l’Eriol jusqu’à la frontière.
-    Votre mission était de prendre la ville, tuer l’Empereur puis de l’évacuer aussi vite pour revenir ici. Vous n’aviez pas le temps de vous occuper de vos morts.
-    Le peuple orque a perdu beaucoup d’honneur en ce jour.
-    Vous en êtes sortis plus riches ! Vous connaissiez les risques lorsque vous avez accepté mon or. Je vous paye, vous me servez.
-    Jamais les orques ne prêteront allégeance à un humain !
-    Quoi que vous en disiez, vous êtes des mercenaires et vous vous soumettez à l’or.
-    Notre accord comprend l’or et le libre passage de la frontière. Au Sud, nous retrouverons nos frères et enfin nous pourrons recréer le Khânat des ancêtres. »
Ce chef orque commençait à vraiment énerver le Seigneur de Drastan. Pour mettre fin à ses protestations inutiles, Moriannor en appela à son Don
D'un claquement de doigts, il alluma tous les lustres, chandeliers et cheminées de la salle du trône. Uznarc ne parut pas surpris mais la tension se lisait sur son visage quand il déclara :
«  Vous méritez mon respect en tant que mage de Feu. Cependant ne dépasser pas les conditions fixées par notre accord.
-    Alors donnez-moi la Couronne et vous aurez le reste de votre or ! Exigea Moriannor en intensifiant ses flammes ce qui augmenta un  peu plus la chaleur ambiante.
-    Très bien, Seigneur de Drastan. »
Uznarc ouvrit la sacoche qu'il gardait dans le dos et en sortit le Couronne tant convoitée. Ce symbole de pouvoir avait été porté par tous les Empereurs et la tradition voulait qu'elle n’ait jamais été modifiée depuis Logarn Ier. La monture circulaire était en or massif incrustée des sept plus gros diamants de l'Empire – du monde disaient certains. Ils représentaient Dieu et ses six Archanges car l'Empereur devait régner en faisant le lien entre le peuple et les Cieux.
Moriannor se leva et descendit de son trône pour que le chef orque lui remette la Couronne dans les mains. Il fut surpris de sentir que l’objet était chaud alors qu’il s’attendait à ce que le métal ne le soit pas autant. La tentation fut grande de se coiffer de l’objet sur le champ.
Son geste, à peine esquissé, fut interrompu par l’entrée de Tar’Ammon dans la salle.
«  Monseigneur, s’exclama-t-il, ne faites pas cela ! La Couronne ne doit pas être porté par quelqu’un d’autre qu’un Empereur consacré. Seul le Prieur de Bonnenbourg peut lever les charmes qui protègent cet objet.
-    Vous avez raison, je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête. Vous pouvez disposer. » ajouta-t-il à l’intention du chef orque.
Ce dernier ne se fit pas prier et sorti vivement de la pièce, apparemment en colère mais néanmoins soulagé d’être délié de tout engagement envers Drastan. Lorsqu’Uznarc fut parti, Moriannor invita son mentor dans son bureau personnel, adjacent à la salle du trône. Il déposa précautionneusement la Couronne sur un piédestal qu’il avait prévu de longue date pour l’accueillir.
Une fois tous deux installés de part et d’autre du bureau de travail, le Seigneur de Drastan s’autorisa un brin de triomphalisme :
«  Enfin, la Couronne est entre mes mains, je vois mal comment les Hauts Nobles de l’Empire pourront encore longtemps me résister.
-    La victoire n’est pourtant pas assurée. Il vous reste un défaut de taille pour eux, vous n’êtes pas marié et n’avez donc pas d’héritier légitime. Un Empereur se doit de perdurer sa lignée et, je pense, que ce serait un argument de poids pour votre cause.
-    Le seul fait que j’ai engendré des enfants naturels devrait les contenter, je ne suis pas comme Mogueras, stérile et condamné à adopter. Vous savez comme moi que la seule femme qui ne m’ait jamais intéressé pour un mariage était la Reine Falina de Rabougnal mais nous n’avons pas la même conception de la politique.
-    Vous devriez peut-être envisager un mariage avec une fille d’un Haut Noble. Avec la mort d’Irmuler de Fendsbourg, la fille du Duc de Rembrunt, un des plus fidèles défenseurs de la cause du Surintendant de Sipar n’est plus promise à personne. Une demande d’union de votre part entrainerait difficilement un refus.
-    Ludciné de Rembrunt ? Peut-être que vous avez raison.
-    Sinon, vous pouvez toujours tendre la main vers les familles de Drastan qui sont en froid avec vous depuis le massacre de la Main à Dollovan.
-    Eux ? Jamais ! s’énerva Moriannor. Si j’ai sacrifié les agents de la Main Rouge, ce n’est pas par plaisir sadique, contrairement à ce que peuvent penser certains. Je l’ai fait par obligation, vous savez comme moi que les familles de la Main voulaient me destituer en utilisant leurs agents pour m’assassiner. C’était un mal nécessaire. Seule la famille Tallonn avait, et a toujours, mon entière confiance. Si je dois me marier avec une fille d’une famille de Drastan ce serait avec la fille des Tallonn.
-    Vous savez très bien que les Tallonn n’ont que deux héritiers, l’ainé est destiné à succéder à son père tandis que la cadette est en formation pour devenir une agente de la Main Rouge. Vous marier avec serait complètement inutile car vous perdriez votre seul agent complètement loyal.
-    Très bien, j’enverrai donc une demande au Duché de Rembrunt. J’espère que la Duchesse verra l’intérêt de l’union et saura convaincre son mari.
-    Certainement. » conclut le mage en se levant.
Tar’Ammon sortit, la discussion étant terminée, ayant d’autres activités qui méritaient son attention, laissant le Seigneur de Drastan seul. Moriannor, quant à lui, resta assis à son bureau, à se réjouir d’avance de sa victoire. Elle était presque certaine désormais, l’Empire sombrait peu à peu dans le chaos et même si ses dirigeants ne l’avouaient pas, l’ordre qui régnait à Drastan était tentant. Ainsi, cela faisait quelques mois déjà que les douaniers voyaient se présenter beaucoup de réfugiés impériaux. Bien sûr, ils étaient quasiment tous refoulés après que les autorités leur aient expliqué que Drastan était prête à les accueillir mais que la guerre rendait cela impossible. Les réfugiés partaient donc déçus et en colère, non pas contre la Cité de la Lumière mais contre l’Empire.
Drastan s’élevait comme une réponse évidente contre le chaos avec son système basé sur l’ordre en toute chose. Ainsi, par exemple, son système judiciaire était l’un des plus sévères du monde connu et pourtant les condamnations à la peine capitale étaient de plus en plus rares.
Bientôt, oui bientôt, Moriannor imposerait sa loi à l’Empire et tous l’acclameraient comme le véritable Sauveur. Ce n’était plus qu’une question de temps.

*
* *

En ce jour de départ, Tibérion était tiraillé entre la joie de repartir pour son pays et la tristesse de ne plus revoir Ællena avant longtemps. Le Prince Belenor avait prévu qu’ils partiraient ensemble dans l’après midi, lui vers l’Académie grâce aux talents de Jeanne, les autres vers Callaven et par des moyens plus conventionnels.
Pendant qu’il se rasait, Tibérion ressassait encore et encore ce qu’il avait prévu de dire à sa bien-aimée. Il devait bien choisir ses mots car il avait eu tant de mal à la convaincre de passer un peu de temps seule avec lui qu’une séparation maintenant risquait de tout gâcher.
«  Tu lui tires une sacré tronche à ton reflet dis donc, ne manqua pas de remarquer Imladas qui venait de s’introduire dans la tente du capitaine de Bregorgne.
-    Et toi, tu as le don de déranger les gens au plus mauvais moment, répondit Tibérion avec une pointe de colère.
-    Ta belle ne t’oubliera pas de si tôt, arrête de te morfondre et va passer le temps qu’il te reste avec elle.
-    Qu’est-ce que tu y connais, toi, aux relations sérieuses ?
-    Oh, et puis, fais comme tu l’entends. »
La réplique de Tibérion l’avait piqué au vif et Imladas préféra sortir de la tente que d’affronter vainement la mauvaise humeur de son ami.
Il est vrai que leurs caractères étaient différents et cela entraînait de petites querelles. Tandis que Tibérion semblait s’ancrer peu à peu dans sa relation avec Ællena, Imladas continuait à "croquer la vie à pleines dents" comme il aimait le dire. Charmeur et beau-parleur, Imladas ne pensait pas à s’établir encore dans une relation de couple durable. Surement que son père, Théodrim de Sandorn, avait des projets différents à ce sujet mais jusque là il n’en avait pas informé son fils. Pour cela en particulier, Imladas était, lui aussi, moyennement heureux de rentrer à Callaven.
Le capitaine de Bregorgne, désormais seul, repensait aux paroles de son ami qui n’étaient pas dénuées de bon sens. Il finit rapidement de se raser, de se préparer et de ranger ses affaires pour le départ afin d’aller chercher Ællena dans Rabougnal et passer le plus de temps possible avec elle.
Aux portes de la ville, les gardes, qui commençaient à connaître cet officier de Callaven, le laissèrent passer sans poser de question. Il traversa la cité jusqu’à atteindre les portes des quartiers où résidaient les guerrières. Tibérion s’annonça et, sans aucun problème, put entrer librement dans ces lieux normalement interdits aux hommes. Une palefrenière vint même lui prendre les rênes de son cheval alors qu’il démontait. Il trouva sa bien-aimée dans la cour, en train de s’entraîner à tirer à l’arc.
Etant dos à l’entrée, elle n’avait pas remarqué l’arrivée de Tibérion qui en profita pour s’avancer silencieusement jusqu’à ce qu’il puisse l’enlacer. Il pencha alors la tête en avant et lui souffla à l’oreille :
«  Laisse donc cette cible tranquille un moment, tu lui mène la vie dure. »
Surprise, Ællena sursauta et lâcha la corde de son arc. La flèche se ficher dans un des panneaux de bois qui soutenaient les cibles de tir. En se retournant, elle lui lança un regard rempli de reproches. En retour Tibérion afficha son plus grand sourire.
«  Il ne me reste plus beaucoup de temps ici, lui dit-il, et ce temps j’ai décidé de le passer avec toi.
-    Tu sais bien que j’ai des responsabilités ici, la Reine peut me requérir à n’importe quel moment.
-    Elle est jeune elle aussi, je pense qu’elle comprendra.
-    Et que veux-tu que l’on fasse alors ?
-    Le départ est prévu dans l’après midi, d’ici là nous avons largement le temps d’aller nous promener autour de la ville.
-    Tu as un endroit en particulier en tête ?
-    C’est ta ville, tu dois connaître les lieux dignes d’intérêt.
-    Il y a un lac, pas très loin de la cité, je voulais justement te le montrer. C’est encore plus beau lorsqu’il neige mais malheureusement, tout a fondu.
-    Allons-y ! » décida Tibérion.

*
* *

Alors que le jeune couple se retirait du terrain d’entrainement, Icella poussa un long soupir. Elle avait tout fait pour inciter sa sœur à fréquenter ce capitaine de Callaven et pourtant leur bonheur affiché ne semblait pas la réjouir. En réalité, elle enviait beaucoup sa sœur car, elle, de son côté, soupirait après Andreï de Moganris qui n’avait rien fait en retour pour lui plaire.
Soudain pleine de confiance en elle, Icella décida d’aller chercher le protégé du Prince Belenor. A cette heure matinale, il devait sûrement être en train de suivre une leçon de l’Archimage Kerneli. Elle n’avait pas tout compris, mal il semblait qu’Andreï maîtrisait son Don d’une manière particulière qui le rendait dangereux sans la tutelle d’un mage confirmé. Ce que n’était pas le Prince Belenor apparemment.
Dans la cité de Rabougnal, le passage d’une Page courant on ne sait où était parfaitement normal, ainsi, Icella ne fut pas arrêtée par la garde ou les patrouilles alors qu’elle cherchait un peu partout où l’Archimage pouvait bien donner ses cours.
Lorsqu’elle les trouva enfin, dans une petite place paisible où il y avait peu de passage, mis à part quelques couples cherchant un peu de tranquillité. Situé dans la partie nord-ouest de la cité, l’endroit était surplombait la ville basse et offrait une vue panoramique sur le reste de Rabougnal et ses alentours.
Andreï et Kerneli étaient accroupis à même le sol dallé, face à face. Icella regretta bien vite d’avoir autant couru car elle était essoufflée et ne pouvait pas dissimuler son arrivée. Ainsi, immédiatement, Kerneli, même si, comme son vis-à-vis, avait au préalable les yeux fermés, braqua son regard sur elle. Cela sembla la traverser de part en part, de sorte qu’elle resta immobile, impressionnée par l’intensité avec laquelle l’Archimage la regardait.
«  Ce que je ressens en vous est assez étrange, déclara-t-il au bout d’un moment.
-    Que voulez-vous dire ? arriva-t-elle à articuler.
-    A proprement parler, expliqua-t-il, vous n’avez pas de Don. Pourtant, je ne puis affirmer que vous êtes une jeune fille normale.
-    Je ne savais pas que vous pouviez ressentir les Dons des autres, fit Icella.
-    Ce n’est pas exactement cela. Tous les mages ayant suivit une formation à l’Académie sont capables de ressentir le pouvoir chez les autres. Identifier le Don, par conte, est impossible à moins d’en avoir le Don. Vous, en revanche, vous êtres une énigme. N’y a-t-il rien d’extraordinaire, littéralement j’entends, dans votre quotidien ?
-    Pas que je sache, mentit Icella qui ne voulait pas que les mages s’intéressent à ses capacités.
-    Il y a autre chose dont certains mages sont capables, moi y compris, c’est déceler le mensonge. Que me caches-tu ?
-    Mais rien du tout, je vous assure !
-    Laissez là tranquille ! intervint Andreï.
-    Mon petit, l’un des devoirs des mages est de déceler les Dons et d’envoyer ces personnes à l’Académie d’ici ou d’ailleurs pour éviter l’apparition de Mages Noirs. Chose que tu as bien failli devenir si Belenor avait continué à être ton mentor. Maintenant, jeune fille, quel est ton secret ? De toute manière je dispose de l’autorité nécessaire pour t’emmener avec nous à l’Académie. Là-bas, un mage arrivera sûrement à trouver la capacité dont tu dispose.
-    S’il vous plait, non ! Je reconnais être capable de certaines choses mais je veux devenir une Amazone, comme ma sœur, Ællena. Ce n’est pas en allant à l’Académie que je le deviendrai.
-    Si tu ne veux pas que ton secret s’ébruite, dis le à moi seulement. Je te fais le serment de me taire s’il le faut. En revanche si tu ne dis rien et que les mages cherchent à trouver tes capacités, tu peux être sûre que tout le monde sera au courant.
-    Quoiqu’il arrive je pars avec vous ?
-    C’est plus que probable. A toi de voir si tu veux que beaucoup de gens soient au courant de ton pouvoir ou juste moi.
-    Et vos supérieurs ?
-    Je n’ai pas de supérieurs. Je siège au Conseil des Mages au même titre que les autres Archimages. Je n’ai pas comptes à rendre à qui que ce soit si ce n’est à moi-même.
-    Très bien. Je peux voir des images, des scènes autour des gens. Elles représentent parfois le futur, parfois le passé. Souvent néanmoins ce que je vois est sujet à interprétations et je ne comprends pas moi-même la signification des images.
-    Je n’ai jamais rien connu de tel, commenta simplement Kerneli.
-    Je suis toujours obligée de venir avec vous ?
-    Plus que jamais, l’énigme que tu représente doit trouver une réponse. Je n’ai pas trouvé de Guérisseuses avec le Don. Il fallait bien que je ramène quelque chose d’autre, fit l’Archimage en souriant. La leçon est terminée, Andreï. Je dois vous laissez, d’autres tâches m’appellent que je dois régler avant le départ. »
Sans plus de discours, Kerneli se leva et parti d’un bon train. Icella mit un moment avant de réaliser qu’elle était désormais seule avec Andreï. Pire, elle allait le côtoyer pendant beaucoup plus longtemps à l’Académie ! Elle ne savait pas si elle devait se réjouir ou pleurer. Bien sûr, elle était contente de voir un peu plus cet adolescent qui l’intriguait tant mais, pour autant, était-elle prête à le côtoyer quotidiennement.
«  Alors comme ça tu voies des images autour des gens ? demanda Andreï.
-    Euh, oui, enfin, pas toujours.
-    Par exemple, tu voies quelque chose autour de moi ?
-    Pas en ce moment, non, désolée.
-    Et avant, le premier soir ? Je t’avais vue très troublée.
-    Je ne me rappelle plus, mentit-elle.
-    C’est dommage. Pourquoi es-tu venue ici en fin de compte ?
-    Pour te… pour la vue, bégaya-t-elle.
-    La cité est très belle vue d’ici. C’est en partie pour cela que l’Archimage Kerneli est venu ici. Aussi pour le calme. Moganris n’est pas aussi belle que Rabougnal.
-    J’aime beaucoup cette ville, la quitter sera dur, je pense.
-    J’avais peur aussi de quitter ma maison même si je ne l’ai pas montré. On s’habitue. Personnellement, avec tous les paysages que j’ai vus, je ne suis pas déçu d’avoir voyagé.
-    Si tu le dis, mais dans mon cas, je vais juste aller à l’Académie, se désola-t-elle.
-    "juste" ? De tous les lieux que j’aie entendu parler, l’Académie est souvent décrite comme une magnifique cité, peuplée de nombreux mages. J’ai vraiment hâte d’y être.
-    Quel est ton Don exactement, au juste ?
-    Je suis capable de voir et de contrôler les flux d’énergie. Enfin, c’est ce que dit l’Archimage Kerneli. Concrètement, j’ai déjà réussi à créer un éclair au bout de mes doigts.
-    Impressionnant ! Y-a-t-il beaucoup qui ont ce Don ?
-    Je n’en ai aucune idée. Avant de rencontrer le Prince Belenor, je pensais que les Dons n’étaient qu’une légende. La plupart des mages actuels n’ont pas de Don, ils ont appris à maîtriser la magie comme on apprend à lire ou à compter. Ils sont cependant beaucoup plus faibles.
-    Je ne savais pas que la magie s’apprenait.
-    Ce n’est pas facile et ni à la portée de tous. Il y en a toutefois plus que des mages avec des Dons. »
Au grand dam d’Icella, qui commençait à vraiment apprécier leur interaction, il se mit à pleuvoir. D’abord quelques gouttes avant-coureuses qui furent ignorés par l’un et l’autre, puis l’averse commença réellement. D’un commun accord, ils s’en retournèrent, chacun de leur côté. Icella devait préparer ses affaires pour le départ vers l’Académie. La première fois qu’elle quittait Rabougnal ! De plus, elle n’allait pas inviter Andreï à venir dans sa chambre, c’était interdit. Bien malheureuse, elle se sépara de lui et d’un pas traînant, se dirigea vers les quartiers des Pages où elle habitait.

*
* *

Ce fut avec un soupir de soulagement que Belenor réussi à boucler la dernière sangle de cuir qui relier le plastron et le dos de son armure. Il n’avait pas été seul pour se préparer ainsi depuis bien des mois, avant qu’il ne rencontre Dématris. Normalement, un officier de son statut avait toujours un écuyer ou un page, même s’il ne lui était pas affecté personnellement, pour revêtir son armure. Cependant, Andreï, qui aurait pu l’aider, prenait des leçons de l’Archimage Kerneli et Belenor n’en avait pas d’autre sous la main. Après tout, c’était la dernière fois qu’il revêtait un tel uniforme avant longtemps car, à l’Académie, il n’en aurait pas besoin.
L’heure du départ était venue et il devait faire un court discours devant ses hommes avant de partir. Après avoir bouclé son baudrier duquel pendait son épée, il sortit de sa tente. Il avait plut, plus tôt dans la journée, mais l’averse était passée et le ciel s’était éclairci. Presqu’aucun nuage visible, un temps parfait pour un départ. Belenor se dirigea vers le bout de prairie ou tous les soldats s’étaient rassemblés, attendant son allocution.
Il remonta tous les rangs de soldats au garde-à-vous jusqu’au premier où étaient ses trois Capitaines : Soldoban d’Aronberg, Imladas de Sandorn et Tibérion de Bregorgne. Il manquait Fildar de Korventen mais il devait être à Vessala pour soigner sa blessure de Dakhart grâce à la science du Seigneur Siougrev. D’un geste, il indiqua à tous qu’ils pouvaient cesser le garde-à-vous et se mettre au repos. Prenant une grande inspiration, il déclara :
«  Soldats, frères de Callaven, vous avez traversé bien des épreuves depuis notre départ du Royaume et vous pouvez être fiers de vous. Aujourd’hui, vous rentrez chez vous, notre mission d’ambassade diplomatique a pris fin lorsque nous avons rencontré le Surintendant de Sipar, Ascadon de Moganris. J’ai pris la décision d’aider l’Empire dans sa lutte contre Moriannor et, même si je pense que cela est bien dans la même optique que la politique que notre Roi Ingald mène envers Drastan depuis des années, nos actions n’impliquent que nous et seul un décret royal peut assurer l’alliance de Callaven à l’Empire dans cette guerre. Je ne doute pas que notre Roi agira dans ce sens. J’ai néanmoins remis à mon second, le Capitaine Soldoban d’Aronberg, une missive destiné à notre monarque pour lui décrire mes impressions.
«  Vous l’aurez compris, encore une fois, je me vois obligé de me séparer de vous. Je pars étudier à l’Académie. Je n’oublie pas pour autant les devoirs qui me lient à vous et je m’efforcerai de rester actif malgré la distance dans les affaires de notre Royaume.
«  Ce dernier voyage que vous entreprenez sera, je le souhaite, ni trop long, ni difficile mais en ces temps troublés je ne peux rien vous promettre. Vive Callaven, vive le Roi.
-    Vive Callaven, vive le Roi, reprirent en chœur tous les soldats. »
Les soldats se dispersèrent rapidement, le départ étant imminent, il restait encore quelques tentes à emballer et tant d’autres petites choses à faire. Les hommes étaient disciplinés et savaient tous ce qu’ils avaient à faire. Belenor resta donc seul avec ses Capitaines et Al’Ivna qui ne s’éloignait jamais beaucoup de Soldoban.
Ce fut en regardant, avec admiration, les hommes s’affairer à démonter ce qu’il restait du camp que Belenor vit l’Archimage Kerneli venir à eux en compagnie de sa femme Jeanne, d’Andreï de Moganris. Jusque là tout était normal. Cependant, venaient avec eux, Icella Strod et sa grande sœur Ællena ainsi que le Reine Falina Ysideus en personne.
«  Votre Majesté, que nous vaut cet honneur ? s’exclama Belenor.
-    J’ai réussi à me libérer pour assister à votre départ, Prince Belenor. Ce n’est pas souvent que l’on a l’occasion de voir une Voyageuse à l’œuvre.  De plus, l’Archimage Kerneli souhaite emmener avec lui une Page, Icella Strod, la sœur de ma Gardienne des Sceaux. Je me devais donc de venir.
-    La jeune damoiselle Strod semble avoir un talent très particulier, expliqua Kerneli. Il est de mon devoir de la conduire à l’Académie.
-    Nous allons pouvoir y aller, annonça Jeanne, je suis prête.
-    Très bien, laisser moi faire mes adieux à mes Capitaines » imposa Belenor.
Un par un, ils se firent l’accolade, se souhaitant bonne route. Intérieurement, le Prince se jura de réunir de nouveau ces quatre amis, ainsi que Fildar s’il se rétablissait.
Tibérion se détacha du groupe après avoir dit au revoir à Belenor et se rapprocha d’Ællena. De ce qu’il en avait vu et déduit, le Prince s’attendait à ce que cette séparation soit douloureuse pour le couple, or il n’en paraissait rien. En effet, il ne pouvait pas savoir ce qu’ils s’étaient dit pendant leur promenade au lac. Au final, Tibérion et Ællena s’éloignèrent pour avoir plus d’intimité et échangèrent un long baiser.
Belenor croisa le regard amusé et heureux de la Reine Falina et d’Icella. Il en conclut que ces deux là avaient dû influer, de près ou de loin, dans la formation de ce couple. Il s’approcha de la Reine et, avec un grand sourire qu’elle lui rendit, il lui fit une révérence ainsi qu’un baisemain des plus protocolaires, mais le regard qu’ils échangèrent signifiait bien plus.
Comprenant, qu’il était temps pour elle d’agir, Jeanne se concentra pour former son portail de Voyage. Ce furent les deux sœurs qui se dirent au revoir en dernier avant que tous ne franchissent le portail qui s’ouvrait sur une clairière en pleine forêt avec des arbres aux troncs si larges que certains arbres auraient bien pu être millénaires voire plus.
La dernière pensée qu’eut Belenor au moment de franchir le portail fut dirigée vers Dématris de laquelle s’éloignait encore plus mais qui restait malgré tout très présente au fond de lui. Il lui souhaitait que tout se passe pour le mieux jusqu’à ce qu’ils se revoient.

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  • : La Couronne de l'Empereur
  • : La Couronne de l'Empereur est un roman de fantasy contant les aventures du Prince Belenor Acciprides.
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Chapitre XXVI

Scénario :100%

Ecriture : 100%

Relecture : 100%

 

 

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